Cette recherche s’inscrit dans un contexte global où les crispations identitaires sont fortes et où certains débats liés à la diversité sont souvent cristallisés autour des catégories exclusives eux/nous. A quel(s) groupe(s) s’identifient les enfants de couples mixtes ? À un seul groupe ? À plusieurs ? Se définissent-ils comme mixtes ? Créent-ils de nouvelles identifications ? Quelles images leur renvoie-t-on ? Vivent-ils des expériences de racisme ou de discrimination ? Les réactions des autres ont-elles un impact sur leurs identifications ?
Une collaboration transnationale
Ce projet de recherche comparatif est le fruit d’une longue et fructueuse collaboration transnationale entre deux anthropologues québécoises, l’une travaillant au Maroc (Catherine Therrien) et l’autre au Québec, à Montréal (Josiane Le Gall). Nos routes se sont croisées car nous avons eu la chance, à quelques années de différence, d’être toutes les deux encadrées par la même directrice de thèse, Deirdre Meintel, au département d’anthropologie de l’Université de Montréal. Nous avons tout d’abord mené chacune de notre côté une étude sur les couples mixtes (Josiane et Deirdre Meintel au Québec et Catherine, dans le contexte marocain). Ensemble, nous avons par la suite dirigé des numéros spéciaux de revues scientifiques et organisés des colloques internationaux. En lisant et discutant mutuellement les livres dans lesquels nous avions publiés les résultats de nos recherches, nous avons découvert que, malgré les contextes différents, plusieurs résultats étaient similaires, ce qui nous a fasciné. Nous nous sommes donc lancé le défi de comparer nos résultats en co-rédigeant quelques publications scientifiques. Cela a renforcé nos liens et notre désir de travailler ensemble. Ce projet comparatif sur les enfants de couples mixtes est donc la suite de cette belle collaboration.
Objectifs de la recherche
Cette recherche a comme objectif de décrire et de comprendre le processus de construction identitaire des descendants de couples mixtes dans des contextes nationaux très différents (Maroc/Québec). À partir d’une approche qualitative et comparative, la recherche vise à documenter les principaux choix des enfants de couples mixtes en lien avec les marqueurs identitaires transmis ou non par leurs parents ; à examiner leur sentiment d’appartenance; et à identifier les divers éléments ayant contribué au processus de construction identitaire de ces descendants de couples mixtes.
Méthodologie du projet comparatif
Depuis 2019, deux terrains de recherche sont menés parallèlement : un au Maroc et un au Québec. La même méthodologie de recherche est appliquée aux deux études : des entretiens individuels semi-directifs réalisés auprès d’hommes et de femmes descendants de couples mixtes ayant été principalement socialisés dans les contextes de l’étude ainsi que des récits croisés auprès des membres de la famille (grands-parents/parents/fratrie) de certains des participants. Nous utilisons le même canevas d’entretien qui est articulé autour des projets identitaires parentaux et des choix effectués par les jeunes, de la dynamique familiale entourant le processus de socialisation, du processus d’identification, des pratiques transnationales, des relations avec les membres de la parenté ainsi que des rapports à la société marocaine/québécoise.
Retombées de la recherche
Des deux côtés de l’océan Atlantique, les retombées toucheront autant la communauté scientifique qu’un public plus large (société civile, institutions publiques, écoles, décideurs, grand public). Avec d’autres collègues intéressés par des thèmes similaires (Karine Geoffrion et Francesco Cerchiaro), nous travaillons actuellement sur un ouvrage collectif portant sur les familles mixtes dans un monde transnational et un numéro spécial double de revue portant sur les familles mixtes musulmanes/non-musulmanes. Ces différentes publications verront le jour au cours de l’année 2021.
*Le terme enfant renvoie ici à la position occupée par l’individu dans la famille mixte. Il s’agit d’une définition en termes de génération plutôt qu’en termes d’âge.